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Liquidation judiciaire – Créancier postérieur – Créance née pour les besoins du déroulement de la procédure

10.05.2021

Article par : Carla Messi – Avocat

Cass. Com. 12 mars 2013, n°11-24365

Liquidation judiciaire – Créancier postérieur – Créance née pour les besoins du déroulement de la procédure – Nature de la créance de loyer d’habitation du débiteur échue postérieurement au jugement d’ouverture

LA COUR

«  Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l’article L. 641-13, I du code de commerce ;

Attendu, selon le jugement attaqué, que Mme X… (le bailleur) a donné à bail à M. Y… (le débiteur) des locaux à usage d’habitation suivant contrat du 3 mai 2009 ; que le débiteur a été mis en liquidation judiciaire le 25 juin 2009 avec poursuite d’activité jusqu’au 3 juillet 2009, la société Z… étant désignée liquidateur (le liquidateur) ; que le bailleur a assigné le débiteur en paiement de loyers échus depuis le mois de juillet 2009 ; que le liquidateur est intervenu volontairement à l’instance ;

Attendu que pour condamner le liquidateur au paiement des loyers réclamés, le jugement retient que la créance locative est née pour les besoins du déroulement de la procédure ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que la créance de loyer d’habitation du débiteur, échue postérieurement au jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire de ce dernier, n’est pas une créance née pour les besoins du déroulement de la procédure, le tribunal d’instance a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a condamné M. Z… en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. Y… à payer à Mme X… la somme de 2 435,55 euros et aux dépens, le jugement rendu le 17 juin 2011, entre les parties, par le tribunal d’instance de Montreuil-sur-Mer ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d’instance de Boulogne-sur-Mer ; »

NOTE

Un contrat de bail d’habitation a été conclu en date du 3 mai 2009 et le preneur a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire le 25 juin 2009 avec poursuite de son activité jusqu’au 3 juillet 2009.

Le bailleur a assigné le débiteur en paiement des loyers échus depuis le mois de juillet 2009, le liquidateur étant intervenu volontairement à l’instance.

Le tribunal d’instance a condamné le liquidateur au paiement desdits loyers au motif que la créance locative est née pour les besoins du déroulement de la procédure.

La Cour de cassation casse le jugement au visa de l’article L 641-13 I du Code de commerce, en énonçant que la créance de loyer d’habitation du débiteur échue postérieurement au jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire de ce dernier, n’est pas une créance née pour les besoins du déroulement de la procédure.

Cet arrêt pose la question de l’utilité d’une créance pour le déroulement de la procédure, la réponse à cette question permettant de déterminer si cette créance peut bénéficier du traitement préférentiel et être ainsi payée à son échéance.

Sous l’empire de la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005, l’article L 641-13 I du Code de commerce précisait que : « . – Les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire ou, dans ce dernier cas, après le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire qui l’a précédée, pour les besoins du déroulement de la procédure, pour les besoins, le cas échéant, de la période d’observation antérieure, ou en raison d’une prestation fournie au débiteur, pour son activité professionnelle postérieure à l’un de ces jugements, sont payées à leur échéance ».

L’ordonnance du 18 décembre 2008 a modifié ces dispositions.

A présent il n’est plus exigé que la prestation fournie au débiteur soit en rapport avec son activité professionnelle, mais simplement qu’elle soit née pour les besoins du déroulement de la procédure ou du maintien provisoire de l’activité en contrepartie d’une prestation fournie à ce dernier pendant ce maintien d’activité.

Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation se prononce uniquement sur la première catégorie de créance énoncée par l’article L 641-13 I, seule visée par le tribunal d’instance.

Elle estime que la créance de loyers de bail d’habitation, vraisemblablement en ce qu’elle concerne la vie privée du débiteur, n’est pas née strictement pour les besoins du déroulement de la procédure.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation fait une application restrictive de l’article L 641-13 I du Code de commerce.

La Cour de cassation souligne ainsi que la créance ne doit pas seulement être née à l’occasion de la procédure collective, il faut en outre que cette créance soit inhérente à la procédure, un lien devant exister entre elles.

Le privilège reconnu aux créanciers dont la créance naît au cours de la procédure est donc subordonné à son utilité.

S’agissant des conséquences de cette décision à l’égard de la procédure collective, il en découle que le passif privilégié se trouve réduit, et l’on pourrait penser que toutes les créances de la vie privée du débiteur pourraient subir le même sort.

Quant au bailleur, sa créance est soumise au régime des créances antérieures, de sorte qu’il ne peut être payé en priorité et qu’il doit en outre déclarer sa créance dans les deux mois à compter de sa date d’exigibilité à moins que le contrat n’ait été conclu avant le jugement d’ouverture, comme dans la présente espèce.

Enfin, il semble parfaitement possible de supposer que la position de la Cour de cassation n’aurait pas été la même dans l’hypothèse où le débiteur aurait exercé son activité professionnelle à son domicile.